REVOLUTION ROOM

Contexte

Le centre d’art joue un double rôle dans le contexte social de Lubumbashi : d’une part, il accompagne les artistes émergents de Lubumbashi et de la région dans leur développement et permet de créer des relations entre eux et avec l’extérieur, et d’autre part, il participe, en tant qu’acteur de la société civile, à une analyse des questions de la communauté, en interrogeant à la fois l’histoire et l’occupation de l’espace par le médium de la création artistique.

Dans ce contexte, il a monté le projet Revolution Room, en collaboration avec Visual Art Network South Africa, en se donnant pour mission :

  1. de mettre en œuvre des interventions d’artistes en dialogue avec la communauté en questionnant la relation et la notion d’espace publique.
  2. de questionner les pratiques collaboratives dans différents contextes en analysant le fonctionnement de réseaux mis en place de manière endogène et informelle localement ou dans des relations transfrontalières.
  3. de questionner l’institution muséale comme outil de construction de la mémoire collective en association des narrations sensibles et/ou individuelles dans le regard sur le passé.

Ces trois objectifs se développent de manière parallèle dans des projets qui prennent forme à Johannesburg et dans la région de Lubumbashi.

Le volet sud-africain investit le quartier de Cosmo City de Johannesburg nouvellement construit avec un mélange d’habitats voulant représenter la diversité des couches sociales de l’Afrique du Sud postapartheid : des maisons sociales complètement subsidiées, des maisons à louer, et des maisons en vente. Les habitants de deux sites d’habitats informels de la région (bidonvilles), Zevenfontein et Riverbend, sont relocalisés à Cosmo City, principalement dans les logements sociaux.

En R.D.C., Revolution Room, qui se prénomme en swahili chumba cha mapinduzi, se développe sur 3 différents sites et développe une plateforme d’échange sur les initiatives artistiques indépendantes : PAN!C.

Site 1. Lubumbashi /// Cité Gécamines/// les « départs volontaires »

RR atelierA Lubumbashi, le projet se concentre sur l’histoire industrielle construite autour d’une entreprise qui a souvent été considérée comme un Etat dans l’Etat : l’Union Minière de Haut-Katanga devenue la Générale des carrières et des mines (Gécamines ou GCM). Il questionne la construction paternaliste d’une société et l’effondrement de ce système, en focalisant et travaillant sur le quartier Cité Gécamines et sa communauté. Le camp des ouvriers de la Gécamines est un quartier qui a été entièrement géré par l’entreprise et porte les marques de toute l’histoire de la Gécamines, et donc de la ville, avec ses splendeurs, ses espoirs, sa décadence. Le lien filial entre la ville et l’entreprise s’exprime par l’adage en swahili très courant : « Gécamines njo baba, Gécamines njo mama » (la Gécamines est notre père, la Gécamines est notre mère). Depuis la faillite de cette entreprise, les aides sociales sont quasi nulles.

Encore présents et plein d’entrain les Acrobates prestation ouverturegroupes culturels de la Gécamines continuent à y répéter et à prester à de nombreuses manifestations : la fanfare avec ses musiciens et ses majorettes, les acrobates Bana Mampala (« les enfants du terril »), les musiciens de brakka du groupe Jecoke/Jecokat (« Jeunes comiques de la Kenya/ du Katanga ») sont autant de déclinaisons d’une création artistique qui a forgé l’identité des « enfants de la Gécamines » et de tous les habitants de Lubumbashi. Ces projets socioculturels sont fortement liés à la vie ouvrière. De même que la peinture populaire, qui présentent des scènes sur le même fond de la cheminée et du terril qui domine ce quartier.

Mais la Cité est également une zone de lutte, de tensions et parfois de violence. Témoin de cet état de fait, la Place des Martyrs (place aménagée pour un monument jamais construit), où des ouvriers réclamant une juste rétribution de leur travail furent fusillés en 1941.

Les témoins contemporains sont les agents Gécamines licenciés massivement et abusivement, communément appelés « les départs volontaires ». Cette désignation fait référence à l’opération de compression d’effectifs « départ volontaire » lancée entre 2000 et 2003 par la Gécamines et l’Etat congolais, qui en est le propriétaire, sur recommandation et avec le financement de la Banque mondiale. Cette opération offrait quelques milliers de dollars à des agents qui n’avaient pas reçu de salaire depuis plus de deux ans pour qu’ils renoncent à leur emploi et à leur décompte final.

Le projet de création se basera donc sur le vécu actuel de cette communauté, et les résonances de cette histoire. Le travail avec des artistes qui habitent ou ont habité ce quartier et des artistes invités portera sur cette nostalgie et ces rêves encore vivaces aujourd’hui des habitants de ce quartier en liaison avec l’histoire industrielle.

Site 2. Fungurume /// Kilovilles /// les villageois délocalisés

La région de Fungurume, située en plein Copperbelt sur la route Lubumbashi – Likasi – Kolwezi, connaît depuis la période précoloniale la métallurgie du cuivre et produisait les fameuses croisettes du Katanga par les « Mangeurs de Cuivre » (« Lwanzo lwa mukuba » en kisanga). A la fin du XIXème siècle, la région était marquée par les conflits qui opposèrent les populations locales entre elles et contre les agents de l’Etat indépendant du Congo. Ces confrontations ont laissé quelques traces dans le paysage, notamment la grotte de Kyamakela, où furent enfumés plus de 178 insurgés sanga. Aujourd’hui, on trouve à Fungurume l’exploitation industrielle de cuivre et cobalt par la société américaine Tenke Fungurume Mining (TFM), qui se veut exemplaire dans le respect des normes environnementales et un modèle d’engagement social pour les communautés. Le travail avec la communauté s’organisera autour du quartier Kiloville (cité de Fungurume, dans la chefferie traditionnelle Mpala) dont les habitants ont été redéployés sur un nouveau site construit par les soins de l’entreprise.

Le quartier de Kiloville se trouve à un moment clé de son existence. Après 5 ans de délocalisation, la TFM devrait, comme convenu au début des négociations, reconnaître les maisons comme propriétés des habitants. Mais, selon TFM, ceci va contre la loi congolaise, vu que Kiloville se trouve dans la concession qui est propriété de l’entreprise. Le droit minier étant un droit exclusif, il prime sur le droit foncier. Puis, la terre de Kiloville se montre peu fertile pour des activités agricoles, contrairement au village Mulumbu, lieu originaire des habitants qui sont majoritairement des agriculteurs. TFM examine la possibilité de délocaliser à nouveau ces habitants.

Site 3. Moba /// Tumpa /// le deuil de Lusinga

Misambwa2Moba est à la fois un port sur le lac Tanganyika et une forteresse (Kirungu, ex Baudouinville). Il fut dans la deuxième moitié du XIXème siècle un important carrefour de routes de caravanes entre l’occupation européenne installée sur la côte atlantique, cherchant d’établir des postes à l’intérieur du pays, et les marchands arabes et swahilis qui partent de la côte de l’océan indien. Cette situation a été à la base de confrontations violentes entre ces envahisseurs et avec les chefs de la région. On rappelle notamment la confrontation entre le lieutenant belge Emile Storms et le chef tabwa Lusinga, qui lui a valu d’être décapité. Le crâne de Lusinga fut envoyé en Belgique et se trouve actuellement dans le Musée de l’Histoire Naturelle à Bruxelles.

A cette guerre de conquête territoriale succèdera une forte occupation menée par des religieux (pères blancs envoyés par Mgr Lavigerie) qui ambitionnent d’y créer un royaume chrétien.

Moba se trouve sur le lac Tanganyika qui sépare au début du XXème siècle le territoire belge (Congo Belge) et allemande (Afrique orientale allemande) qui constitue une des lignes de front pendant la première guerre mondiale en Afrique.

Moba est le lieu d’origine de Stephano Kaoze, ethnographe et premier prêtre congolais, considéré comme l’un des premiers intellectuels « modernes » congolais avec Panda Farnana.

Cette riche histoire sera partagée avec une communauté dont le chef coutumier a une expérience assez particulière. Agathon Kakusa alias Agxon est un plasticien reconnu qui a présenté ses œuvres à Lubumbashi, Kinshasa, Bruxelles, Liège, etc. il a dû quitter les mondanités de Lubumbashi pour prendre la responsabilité de chef coutumier d’une communauté tabwa (tumpa) et s’installer à Moba. C’est en collaboration avec Agxon que la réflexion/création prendra forme sous l’angle artistique et comme travail avec sa communauté.

2. Évolution du projet entre les 3 volets

Les 3 volets du projet se déroulent de manière asymétrique. Lubumbashi /// cité Gécamines et Fungurume /// Kiloville ont fait l’objet d’une recherche approfondie sur le contexte, d’un atelier de développement du projet avec les acteurs sociaux, les artistes et les commissaires, deux concepts artistiques ont été développés et les communautés travaille déjà avec les artistes pour les mettre en œuvre. Le volet Lushois a même déjà bénéficié d’une première exposition en août dernier intitulée waza CHUMBA wazi en août dernier dans une maison d’habitation de la Cité louée pendant un mois à cette fin et dans laquelle ont été présenté les objets de la collection Mémoire de Lubumbashi en collaboration avec le musée de Lubumbashi.

Le volet de Moba a également fait l’objet d’une exposition participative d’Agxon (Agathon KAKUSA)
du 16 au 19 novembre 2015 à Ecole Tumpa, Mulunguzi (au bord du lac Tanganyika à 11km de Moba Port).

ÉVENTEMENTS :