Programme Kirata

Le projet part du constat d’un paradoxe entre la vitalité de la création artistique congolaise et, exception faite de ses sources d’inspiration, son faible ancrage dans le contexte social et économique local. En s’appuyant sur les technologies d’information et de communication, le projet entend soutenir l’émergence de la première génération de commissaires d’exposition congolais bénéficiant d’outils critiques, entrepreneuriaux, techniques et d’analyse sociale pour une meilleur médiation culturelle auprès des publics locaux mais également pour le développement économique du secteur des arts visuels en République démocratique du
Congo.

Les arts visuels du Congo souffrent de deux types d’extraversions qui sont interconnectées : celle de son économie et celle de son interprétation par les musées et institutions culturels et scientifique étrangers. Si la création artistique est foisonnante appuyée par un système éducatif expérimentée, la mise en contexte au pays même à travers des expositions, des publications ou autres projets de médiations culturelles manquent d’acteurs formés.
Permettre l’émergence de curateurs et curatrices congolais, c’est à la fois permettre l’accès au public, entamer des échanges sur les problèmes sociaux du pays, mais surtout développer un marché local qui donnerait aux artistes visuels les moyens pour continuer à travailler sans dépendre des voyages et autres résidences en Europe.

Dans le jargon des artistes congolais, le mot Kirata qui est une transformation du mot anglais «curator» désigne un opérateur culturel habilité à donner sens à une création artistique et démarcher des opportunités pour des artistes. Il est des artistes qui sont en
même des curateurs. A la fois dans l’écriture critique, le montage des expositions et la négociation des projets, le commissaire d’exposition joue un rôle inégalable dans le monde de l’art. Le projet se propose de former des curateurs à la congolaise.
Kirata n’est pas une traduction du vocable anglais « curator » quoiqu’une partie des fonctions et des enjeux soient similaires. Kirata s’inscrit dans une dynamique plutôt communautaire et horizontale. Bien plus, il exprime une appropriation de la réflexion et du regard critique sur les pratiques artistiques expérimentales autant que les pratiques artistiques socialement engagées, en lien avec la société, et dans la mesure du possible, l’intégration avec à une économie locale.

Kirata est une nouvelle manière de penser et d’envisager la curation. En d’autres termes, c’est comme si on osait inventer une nouvelle manière de penser, de produire, de partager, bref de vivre ensemble autour de nos pratiques artistiques sans pour autant se cacher derrière d’autres modèles. Ces enjeux cristallisent les défis actuels du Centre d’art Waza après une plus d’une décennie d’expérimentation artistique et institutionnelle, de réflexion
sur le monde de l’art, de tension entre les préoccupations locales et les défis d’une globalisation « grassroots ». Un des enjeux pour relever ce défi, est de constituer un écosystème qui partage cette vision du monde et du monde de l’art, et qui s’engage à mettre en place des échanges mutuellement bénéfiques pour développer des curations inspirées des notions de l’en-commun, ancrées dans le contextes social et économique d’où elles
émergent et qui opère de manière non extractives et non hiérarchisées.

L’écosystème de Kirata comprend des initiatives plus ou moins intégrés à Waza, et d’autres qui sont plus éloignés mais qui participe à la même construction, et à la même vision.
Certains projets sont basés à Lubumbashi, d’autres sont ailleurs dans le pays. L’écosystème de Kirata comprend également des partenaires de la région et du monde entier qui aide à la constitution du cadre d’échange et de partage au sein de Kirata.
Le projet Kirata se déroule en trois phases principalement : la phase formation, la phase incubation et la phase présentation des prototypes. Le projet court pendant une année et couvre les villes de Lubumbashi, Kinshasa, Kisangani et Goma. Nous avons deux partenaires sur le projet : Habari RDC et Contemporary And. En mars nous avons mis en
ligne un formulaire de candidature. Il a été relayé par des professionnels de la presse et les centres culturels avec qui nous collaborons à travers l’étendue du territoire national. A l’issue de cet appel, plus de 217 candidatures ont été déposées. La plupart des candidatures témoignaient d’une bonne connaissance du secteur, ce qui nous a beaucoup motivés. Sur
ces candidatures nous avons opéré une sélection de 20 à 30 candidats par ville pour Lubumbashi, Kinshasa, Kisangani et Goma. Dans chacune de ces villes, un partenaire local a assuré les logistiques et proposé des intervenants pour les trois aspects de la formation :
le commissariat d’exposition, le numérique et entrepreneuriat.

Nous avons retenu cent personnes pour la formation dans quatre villes de la République Démocratique du Congo entre mai et juin. La phase formation a été présentée sous forme d’ateliers et accueilli par le Foyerculturel (Goma), les Studios Kabako (Kisangani), la Plateforme contemporaine (Kinshasa) et le centre d’art Waza (Lubumbashi).
A la phase formation a succédé la phase de l’incubation. L’équipe du Centre d’art Waza a sélectionnée parmi les cent personnes qui ont participé à la formation vingt-sept personnes qui sont en incubation : 11 personnes de Lubumbashi, 9 personnes de Kinshasa, 4 personnes de Kisangani et trois personnes de Goma. Ils ont des profils diversifiés, ce qui leur permet d’être complémentaires.
L’étape d’incubation est principalement un moment d’échanges et d’expérimentations artistiques entre les participants. Ils sont constitués en groupe de travail. Il y a un groupe des créateurs de contenues, un groupe animation numérique (art vidéo), un groupe art et société, et un groupe économie de l’art. Chaque participant soumet un projet sur lequel il
focalise son attention et qui sera présenté dans la phase prototype. Les participants sont mis en dialogue avec des mentors pour répondre à certains de leurs besoins spécifiques.

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